Témoignages des enseignant(e)s

Nos collègues enseignant(e)s nous parlent du confinement.

Alexis Catanzaro, enseignant département Management, responsable du master Entrepreneuriat

   Comment se passe mon confinement ?
Pour le savoir, il suffit de regarder la photo qui illustre ce post...et l’heure à laquelle je suis en train d’écrire ces lignes (3h14 du matin -_-) !

Avec trois jeunes enfants à la maison, je dois bien avouer qu’en ce moment je suis autant professeur des écoles que professeur des universités. Heureusement, les insomnies, de plus en plus fréquentes, me permettent de rattraper mon retard sur le plan professionnel (lol).

Grace au numérique, j’arrive à maintenir un lien avec mes étudiants, que soit par des cours en ligne, du dépôt de contenu sur l’ENT, de l’échange par mail ou des séances virtuelles de tutorat de projets entrepreneuriaux.

Bon, il est vrai que peu d’étudiants se rendent disponibles à 3h du matin, mais on arrive à s’organiser ! Si mon activité pédagogique ne souffre pas vraiment du confinement, le lien réel avec les étudiants (et les autres êtres humains) me manque.

Qu'est ce que cette période si particulière va changer dans ma vie après le confinement ?
Plus de cours en ligne, inéluctablement. Et une recherche d’encore plus de sens, tant dans mes activités d’enseignement et de recherche que dans ma vie personnelle.

Muriel Perez, enseignante département Finance, responsable du master2 CGAO

Depuis le début du confinement, toutes mes activités ont basculé en distanciel, certes, avec plus ou moins de « bonheur », d’ajustement à faire et surtout d’apprentissage selon les missions.

Pour les cours sur l’IAE, j’avais déjà eu l’occasion de réfléchir à une articulation présentiel/distanciel mais la logique du 100 % distanciel est différente et surtout beaucoup plus impactée par les difficultés au sens large des étudiants (matériel, contexte personnel, capacité à être autonome). Pour les étudiants de L2, j’ai poursuivi sur une logique d’hybridation en mixant du vrai distanciel en asynchrone (capsules vidéo, support de cours, exercices sur Claroline Connect) et du « présentiel » en visio. Malgré l’urgence, j’ai eu plaisir à faire cours.

Le rapport aux étudiants a changé, il est plus individualisé. La charge de mission auprès du SUP et les collègues m’a d’ailleurs aidé car nous avons dû mettre en place un Kit de continuité pédagogique avec l’aide de la DNum sur lequel j’ai pu m’appuyer pour mes propres cours.
Pour la gestion administrative du M2 CGAO, le plus délicat, à mon sens, est la gestion des stages et le maintien du lien avec des étudiants alors qu’ils sont sur des périodes « entreprise ». Heureusement les échanges avec Isabelle Rivaton en charge de la gestion de scolarité ont pu être maintenus (un grand merci au passage).

Globalement, ce que je retiendrai (au-delà de la difficulté à cloisonner les temps professionnels et personnels), c’est l’implication, l’énergie, la dynamique des collègues et la richesse des échanges qui pour le coup n’ont rien de virtuels.

Corinne Autant-Bernard, enseignante département Économie, responsable du master APE

J'étais en séjour de recherche à l'étranger pour trois mois au moment de l'annonce du confinement. Je n'avais donc plus de cours et je me trouvais déjà en situation de télétravail pour toutes mes interactions avec l'Université de Saint-Étienne.
J'ai dû rentrer en France prématurément, mais les habitudes de télétravail et d'école à domicile étaient déjà prises.
Je dois reconnaitre que je regrette beaucoup l'étudiant qui venait faire les cours à domicile à mes enfants lorsque j'étais à l'étranger... il n'est pas facile de gérer le télétravail et la supervision des devoirs. Une réorganisation s'est imposée : gestion familiale le matin et travail l'après-midi et le soir ainsi que les week-end. Cela permet de dégager suffisamment de temps pour gérer les tâches administratives, maintenir une activité de recherche et assurer le suivi des étudiants qui se trouvent parfois dans des situations difficiles : certains ont emménagé à proximité de leur lieu de formation ou de stage et se retrouvent confinés dans un studio loin de leur famille et de leurs amis.

Au delà de chaque situation particulière plus ou moins difficile, cet épisode nous interroge indéniablement sur notre modèle économique et social, dont il fait ressortir les vulnérabilités et le caractère profondément inégalitaire. Si la recherche individuelle du profit et la coordination par les marchés se sont imposées comme de puissants vecteurs pour répondre efficacement à de nombreux besoins individuels et de court terme, manifestement, les enjeux plus collectifs et de long terme sont laissés au second plan (tels que l'existence de lits d'hôpitaux et de matériels en nombres suffisants pour faire face aux situations exceptionnelles, la formation aux nouvelles technologies et l'accès aux infrastructures de communication pour tous les territoires, la recherche fondamentale, etc.).
Comme expliqué par le neurobiologiste Sébastien Bohler dans son ouvrage Le Bug Humain (2019), le fonctionnement même de notre cerveau nous incite à donner la priorité à la satisfaction des besoins immédiats plutôt qu'à prendre en compte les besoins et enjeux de long terme. Les enjeux de santé publique, comme ceux d'ailleurs liés à l'environnement, se trouvent donc difficilement pris en compte dans les décisions individuelles et collectives.

Cette crise sanitaire nous donne l'occasion de marquer un temps d'arrêt dans la course en avant qui caractérise nos économies et nos modes de vie. Cette expérience nous invitera sans doute, au moins peut-on l'espérer, à remettre le long terme au centre des préoccupations et à raisonner davantage en termes de bien-être et de solidarité qu'en termes de croissance. Elle nous montre par ailleurs que les États, souvent présentés comme impuissants face à une économie mondialisée et à des contraintes d'équilibre budgétaire, peuvent encore jouer un rôle de régulation et de prévention de premier plan, dès lors qu'ils s'en donnent les moyens.