La 3ème Conférence Santé de l'IAE : Eclairage sur la thématique du parcours de Santé

3ème Conférence Santé de l'IAE : Eclairage sur la thématique proposéeLe Parcours de Santé : Enjeux, défis et perspectives

S'est tenue hier soir une conférence qui a réuni cette année encore de nombreux acteurs de la santé sur le territoire Auvergne-Rhône Alpes.

Nous vous offrons ici un éclairage sur l’organisation des soins en France qu'interrogent la loi MSS (Loi de modernisation du système de santé et loi d’adaptation de la société au vieillissement) et la loi ASV.

Nous remercions les professionnels de la table ronde qui ont animés la thématique et répondu aux questions de la salle :

Jean-Yves Grall, Directeur général de l’ARS  Auvergne Rhône-Alpes
Frédérique Miny, Directrice de la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire
Frédéric Boiron, Directeur général du CHU de Saint-Etienne
Dr Pascale Vassal, Chef du service de soins palliatifs, CHU de Saint-Etienne
Dr Paul Calmels, Médecin coordonnateur de la filière SSR

LE PARCOURS DE SANTE

Une approche globale au plus près des patients

Depuis quelques années, un consensus émerge sur les défis auxquels notre système de protection sociale doit faire face : l’allongement de la durée de la vie et le développement des maladies chroniques – qui constituent un bouleversement considérable – ou encore les inégalités sociales et les disparités territoriales. La question d’une prise en charge rénovée est au cœur des problématiques de l’évolution du système de santé voire dans une certaine mesure de notre système de protection sociale.

La loi MSS[1] (Loi de modernisation du système de santé et loi d’adaptation de la société au vieillissement) et la loi ASV posent à nouveau la question de l’organisation des soins en France et d’une véritable médecine de parcours, tangible, pour les patients et les personnes âgées en perte d’autonomie. Il convient de cesser de raisonner par secteur : soins de ville, soins hospitaliers, soins médico-sociaux… Aujourd’hui, un parcours s’entend comme la prise en charge globale, structurée et continue des patients, au plus près de chez eux. Ceci nécessite une évolution assez majeure de notre système de santé pour réunir prévention, soins, suivi médico-social voire social.

Concrètement, cela suppose l’intervention coordonnée et concertée des professionnels de santé et sociaux, tant en ville qu’en établissement de santé, médico-social et social, en cabinet libéral, en maison de santé ou en centre de santé, en réseau de santé, etc. ainsi que la prise en compte, pour chaque patient, de facteurs déterminants comme l’hygiène, le mode de vie, l’éducation, le milieu professionnel et l’environnement.

Une approche globale, graduée et coordonnée

 1.L’approche globale du parcours

3 niveaux de prise en charge sont identifiés :

ð  les parcours de santé, qui articulent les soins avec, en amont, la prévention en santé et sociale et, en aval, l’accompagnement médico-social et social, le maintien et le retour à domicile,

ð  les parcours de soins, qui permettent l’accès aux consultations de 1er recours et, quand cela est nécessaire, aux autres lieux de soins : hospitalisation programmée ou non (urgences), hospitalisation à domicile (HAD), soins de suite et de réadaptation (SSR), unité de soins de longue durée (USLD) et établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD),

ð  les parcours de vie, qui envisagent la personne dans son environnement : famille et entourage, scolarisation, prévention de la désinsertion professionnelle, réinsertion, logement…

 Objectif : permettre à la population de recevoir « les bons soins par les bons professionnels dans les bonnes structures, au bon moment ». Cela, en bénéficiant d’un égal accès à la santé, de prises en charge lisibles, accessibles, complètes et de qualité, ainsi que d’une organisation sanitaire et sociale rationalisée et plus efficiente. Et surtout, satisfaire à la demande des patients et de leurs proches en faisant évoluer les soins et les services. En effet, la médecine de parcours amène à un changement de paradigme profond : l’adaptation de la prise en charge, des relations entre professionnels, des structures et des moyens autour des malades, de leur entourage et de leurs besoins… et non plus l’inverse

       2. Des parcours fondés sur les « soins primaires » et le « virage ambulatoire »

En effet, les parcours sont une révolution, qui place les patients au centre de la prise en charge. Ce ne sont plus eux qui doivent s’adapter au système de santé – organisations ou structures – mais au système de s’organiser pour leur proposer une prise en charge efficace  avec le souci de leur satisfaction

Notre système de santé, organisé autour de l’hôpital, est performant pour traiter les épisodes aigus d’une pathologie : en revanche, il devient trop complexe, trop cloisonné au moment de soigner dans la durée des personnes vieillissantes ou atteintes de maladies chroniques, par exemple. D’où la nécessité d’investir sur les « soins primaires » – dits aussi de proximité ou de 1er recours – et d’accompagner le « virage ambulatoire » porté par la loi MSS.

Ce virage ambulatoire représente le passage d’un système centré sur l’hôpital à un système qui fait des médecins et des équipes de soins primaires constituées autour d’eux, à la fois les pivots et les coordinateurs des parcours entre les structures de ville – cabinets libéraux, maisons et centres de santé – et les établissements hospitaliers, médico-sociaux et sociaux.

Les professionnels des soins primaires sont garants de cette évolution, en priorité les médecins traitants et, chaque fois que cela est indiqué, les autres spécialistes et auxiliaires médicaux. A leur niveau, les hôpitaux doivent se recentrer sur leur mission première – les soins et non l’hébergement – avec des hospitalisations plus adéquates, des durées de séjours plus conformes aux besoins des patients et une offre de soins plus graduée.

Cela implique des changements :

ð  au sein des établissements de santé, en transférant en hospitalisation de jour une partie des hospitalisations de courte durée pour lesquelles l’hébergement n’est plus justifié grâce aux progrès techniques. Le développement de la chirurgie ambulatoire a montré la voie : cette évolution va se poursuivre pour certaines activités de médecine ou de psychiatrie. De plus, certaines activités réalisées en hôpital de jour sans nécessité ou réel bénéfice pour les patients peuvent être remplacées par des consultations longues, voire des soins réalisés en ville. Par ailleurs, les durées de séjour en chirurgie pour certaines opérations peuvent être raccourcies, grâce aux procédures de réhabilitation rapide.

ð  au sein des structures de ville, qui doivent s’organiser pour assurer avec qualité et sécurité la prise en charge des patients qui ne seront pas hospitalisés ou le seront moins longtemps. Cela passe par une meilleure coopération entre professionnels ainsi que le développement de l’HAD et d’alternatives à l’hospitalisation comme la télémédecine.

Dès lors, l’hôpital n’est plus le centre mais une étape de la prise en charge des patients.

   3. Une nécessité : la coopération entre professionnels

Construire des parcours pour les patients dans un contexte de ressources contraintes – y compris humaines – incite à revoir les pratiques des professionnels, leur mode de relation, leur organisation, aussi bien en secteur hospitalier qu’ambulatoire. Ces nouvelles pratiques se rencontrent essentiellement dans le suivi de maladies chroniques et, de plus en plus, dans le cadre de consultations ou d’actes techniques.

L’exercice coordonné et pluri-professionnel – associant médecins généralistes et spécialistes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinés, pédicures-podologues… – trouve un terrain privilégié au sein de structures ambulatoires comme les maisons et les centres de santé, pour lesquelles le ministère mène une politique déterminée pour leur développement massif.

Les réseaux de santé entrent aussi dans les principaux dispositifs de coordination intervenant lors des parcours des patients. La loi de modernisation de notre système de santé prévoit de les mutualiser au sein de plateformes territoriales d’appui (PTA) avec l’ensemble des dispositifs médicaux et sociaux de coordination, en vue d’apporter des solutions aux médecins traitants pour organiser les parcours de santé.

Cette coopération entre professionnels induit également des pratiques en appui sur des systèmes d’information de santé communicants et sécurisés. L’exercice coordonné et la collaboration entre les professionnels (de santé, médico-sociaux et sociaux) qui prennent en charge les patients dans le cadre des parcours doivent être  favorisés par un large usage d’outils numériques permettant l’échange et le partage d’informations : DMP (dossier médical partagé), DCC (dossier de cancérologie communicant) et ROR (répertoires opérationnels de ressources), notamment. Ces dispositifs doivent garantir le respect de la confidentialité des données de santé à caractère personnel ainsi que l’accès des patient aux données les concernant, chaque fois que possible.

Une approche globale, graduée et coordonnée

1.Au niveau local, des acteurs essentiels

Les agences régionales de santé (ARS) sont à la fois les promoteurs et les régulateurs des moyens offerts à la construction des parcours et à la réponse aux besoins des usagers. Elles soutiennent et rendent ainsi possibles les initiatives des acteurs locaux : en effet, les professionnels eux-mêmes sont en toute logique partie prenante, dans chaque territoire, de la structuration des parcours de leurs propres patients.

Clé de voûte de la structuration des parcours, les ARS voient cette approche inscrite dans l’ensemble de leurs projets régionaux de santé (PRS). Ceux-ci sont portés dans une démarche partenariale avec les collectivités pour améliorer la santé et les conditions de vie de la population, de manière plus durable et plus équitable.

Des PRS, découlent des contrats locaux de santé qui, région par région, font converger les projets portés par les ARS avec les priorités ciblées par les collectivités territoriales pour mettre en œuvre des actions au plus près de la population, compte tenu de particularités géographiques, démographiques, sanitaires, sociales…

A cela s’ajoutent les priorités impulsées par le niveau national, dont le ministère attend une déclinaison opérationnelle sur le terrain.

2.Au niveau national, des priorités fortes

Parmi ces priorités, on peut citer en exemple le cancer et les accidents vasculaires cérébraux qui ont fait l’objet très tôt de travaux préfigurant la mise en place de parcours de santé, avec la nécessité de prendre en compte l’ensemble des besoins des malades et de leurs proches du fait de la complexité de leur suivi. Ou encore :

ð  une approche populationnelle avec le parcours de santé des ainés dit projet PAERPA (Personnes âgées en risque de perte d’autonomie) qui vise à prévenir la perte d’autonomie par une meilleure coordination des professionnels des secteurs sanitaire, médico-social et social : repérage, prise en charge globale, appui aux professionnels… Cela, afin de limiter le recours à l’hospitalisation inappropriée, – souvent source de désorientation pour les patients âgés – ainsi que les ruptures de prise en charge.

ð  les maladies rares, qui se caractérisent souvent par une méconnaissance de la part des professionnels de proximité et suscitent « l’errance thérapeutique » des patients et de leurs familles de structure en structure. Désormais, des filières de maladies rares coordonnent l’action des centres de référence et de compétence, des associations de patients ou des équipes de recherche.

Depuis quelques années, le ministère de la santé a investi de nombreux champs et intensifié son action auprès d’autres populations :

ð  les personnes en situation de handicap (qui représentent environ 2,7% de la population) avec, grâce aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le développement du dépistage précoce, l’accompagnement de la scolarisation puis de l’insertion professionnelle, un accès personnalisé à l’offre de soins et médico-sociale pour faciliter le maintien en milieu de vie ordinaire, le soutien aux aidants par des solutions de répit ou d’accueil en urgence,

ð  les maladies chroniques (qui touchent près de 15 millions de Français) avec le renforcement de la prévention et du dépistage, le développement de l’information et des lieux d’écoute, l’amélioration de la coordination des acteurs et de la prise en charge pluridisciplinaire,

ð  la maladie rénale chronique – qui implique l’action de nombreux intervenants – avec des expérimentations pour lutter contre les inégalités d’accès à la greffe, optimiser les alternatives à la dialyse en centre et mieux orienter les patients,

ð  le traitement du cancer par radiothérapie avec, en perspective, un nouveau modèle de financement, plus intégré et plus lisible, prenant en compte toutes les composantes du parcours de soins ainsi que l’évolution des techniques,

ð  la périnatalité avec une aide au projet de grossesse, le renfort de la prévention, un meilleur accompagnement des grossesses à risque – liées à l’obésité, à des comportements additifs, à la précarité… – le suivi sanitaire et social dès la sortie de maternité, l’amélioration de la santé des enfants (naissances prématurées, troubles évitables, asthme…),

ð  l’obésité sévère avec l’organisation de filières de soins, l’adaptation des équipements existants (transport médical, imagerie et plateaux techniques), la création de centres spécialisés pour le 1er recours (dépistage, bilan et suivi coordonné) et intégrés pour le 2nd recours (prise en charge médicale et/ou chirurgicale),

ð  les conduites addictives chez les 15/25 ans (13% de la population) avec le renfort de la prévention et du dépistage, l’accompagnement des jeunes et de leur entourage pour un état de bien-être physique, mental et social, la lutte contre le recours tardifs aux soins, un accueil et une prise en charge somatique et psychiatrique et sociale des addictions

ð  les personnes en situation de précarité avec le maillage de permanences d’accès aux soins de santé (PASS) implantées dans les hôpitaux et d’équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) intervenant à l’extérieur des établissements, au plus près des lieux de vie des personnes défavorisées et des acteurs sociaux qui les suivent,

ð  les personnes détenues avec une organisation spécifique autour d’unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP), d’unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) ou spécialement aménagées (UHSA), le suivi de certaines pathologies spécifiques et l’accès à la protection sociale,

ð  les maladies neuro-dégénératives (Alzheimer, Parkinson et sclérose en plaques) avec le recours à des structures spécifiques de proximité (consultations et centres mémoire, unités cognitivo-comportementales, maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer…) ,

ð  les soins palliatifs avec une prise en charge de la fin de vie en établissement de santé – soit en unité de soins palliatifs (USP) ou via une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP) – ou à domicile grâce à la mobilisation des professionnels de soins primaires et avec l’aide d’une HAD ou d’un réseau de santé.

La dynamique est en marche : désormais, il nest pas de priorité nationale qui ne fasse l’objet de travaux ou de réflexions pour envisager sa traduction sous la forme d’un parcours

3. Un levier majeur : la loi de modernisation de notre système de santé et loi d’adaptation de la société au vieillissement

Les lois tentent d’améliorer en profondeur la façon même dont chaque Français, durant un épisode plus ou moins long de sa vie, est soigné, orienté, accompagné.

Mesures phares pour soutenir la mise en place de la médecine de parcours :

ð  la promotion des équipes de soins primaires rassemblant des professionnels autour des médecins généralistes pour mieux organiser les parcours de santé,

ð  la constitution de communautés territoriales de santé à l’initiative des professionnels de santé pour élaborer des projets de santé répondant, dans chaque territoire concerné, à l’objectif d’efficacité pour les usagers. Ces projets pourront être réalisés grâce à des contrats territoriaux de santé passés avec les ARS,

ð  la mise en place d’un numéro d’appel national de garde pour un accès permanent à une offre médicale,

ð  la création de plateformes territoriales d’appui pour, grâce à un guichet intégré, procurer des informations, aider à l’orientation, activer des expertises à la demande des médecins traitants et, ainsi, fluidifier les parcours de santé. Ces plateformes pourront aussi proposer un accompagnement temporaire aux patients particulièrement vulnérables ou à l’état de santé complexe,

ð  l’obligation d’une lettre de liaison remise au patient et adressée par l’hôpital au médecin traitant le jour même de la sortie d’hospitalisation pour une meilleure collaboration.

 

Publié le 8 mars 2017